PORTRAIT D'UNE COUREUSE - MARIE-CLAIRE DENIS

Marie-Claire a un souvenir précis de ses débuts en course à pied : « J’ai commencé à 12 ans! » Chez elle, le sport n’a pas la cote, c’est le moins qu’on puisse dire : « Mon père était contre le sport. C’était vu comme une perte de temps, du temps de moins à travailler, à faire quelque chose d’utile. »

C’est donc à l’école que Marie-Claire a pu combler, en cachette, son besoin viscéral de courir. « La course à pied sur l’heure du diner (à la polyvalente de Donnacona), c’était parfait. » Elle a rapidement démontré des aptitudes pour l’athlétisme, notamment au cross-country, encouragée par l’entraîneur scolaire à participer à des compétitions régionales puis provinciales.

Son appétit pour la course à pied se poursuit au Cegep puis à l’université. En 1981, elle participe en compagnie de quelques autres étudiants en médecine au marathon de Montréal et termine en 3h43.

Durant les dix années qui suivent, elle court de façon sporadique seulement, pour décompresser, puis arrête complètement en 1992, surchargée par son travail à Montréal.

Au tournant des années 2000, après une réorientation de carrière vers un autre domaine médical moins prenant (endocrinologie) et un déménagement à Québec, elle recommence à courir. Elle participe à son premier demi-marathon à Québec en 2002, au terme d’un entraînement solitaire.

Désireuse de joindre les rangs d’un club de course à pied et éventuellement de courir un autre marathon, elle « magasine » un club de course. Elle va d’abord voir Jacques Mainguy : « Êtes-vous une débutante, madame? », lui demande Jacques. Marie-Claire ne sait pas trop quoi répondre et lui dit qu’elle vient de faire 1h58 sur demi-marathon : « Moi, j’étais ben contente de mon temps, mais pas lui! » Elle rencontre ensuite un représentant du club de Richard Chouinard (Université Laval) à un kiosque : « Le gars de Chouinard au kiosque n’était pas fin, il me regardait de haut (NDLD : ce que Jacques, à son avantage, ne peut pas faire …) et pour lui, j’étais une imbécile. Alors je me suis dit, entre un club d’imbéciles et un club de débutants, j’aime autant un club de débutants! »

Son objectif initial est de se qualifier et de participer au marathon de Boston, ce qu’elle fera à trois reprises par la suite. Lors de sa deuxième participation en 2008, Marie-Claire vit un moment très particulier. Au départ, elle est en compagnie de deux autres membres de LF, Diane Breton et Luc Lemire (le doc) : ils veulent courir ensemble. Marie-Claire franchit la ligne d’arrivée quelques secondes après Diane et Luc qui l’accueillent à bras ouverts. Le lendemain, Marie-Claire a la surprise de sa vie en ouvrant le Boston Herald : elle voit une photo d’elle en gros plan, enlacée par Diane et Luc, avec leurs vêtements aux couleurs de LF (voir photo). Sous la photo est inscrit : « Marie-Claire Denis from Quebec City is being greeted by her runner mates. »

Ils achètent tous les journaux non encore vendus au dépanneur du coin. De retour à Québec, Marie-Claire en offre un à Jacques. Elle en offre un également à son père qui la félicite avec sincérité : « Je suis fière de toi! »  C’est la première fois depuis que Marie-Claire fait de la course à pied que son père la félicite : « Je me suis senti comme la petite fille qui enfin, après 30 ans, reçoit l’approbation de son père pour faire de la course à pied. »

La même année, Marie-Claire est inscrite au marathon de Rimouski avec une amie et collègue. Mais celle-ci apprend qu’elle a un cancer. Elle a une chance sur deux de s’en sortir. Elle débute de longs traitements de chimiothérapie. Marie-Claire participe seule au marathon de Rimouski et à son retour, offre sa médaille à son amie : « Je veux que tu vives, je veux que tu te battes, je suis là pour toi! »

Quelques mois plus tard, l’amie de Marie-Claire, anémique, va à l’encontre des recommandations de son entourage et décide qu’elle va courir un marathon. Marie-Claire la sait résiliente et l’assure qu’elle sera à ses côtés. En mai 2010, Marie-Claire et son amie franchissent la ligne d’arrivée au marathon d’Ottawa en 4h38. Ce fut le plus beau marathon de Marie-Claire : « Je suis toujours émue quand j’en parle. Quand j’ai vu la ligne d’arrivée, c’était pas juste, je viens de courir un marathon. Ça voulait dire : on ferme le livre de la maladie, on fait un reset. »

Marie-Claire entend courir encore longtemps, d’abord pour la santé mais aussi pour plein d’autres bonnes raisons : « La course à pied, ça me donne une belle excuse pour ne pas trop travailler ou prendre des congés. Quand je cours, il me semble que les problèmes sont moins gros. Et la course m’a fait rencontrer plein de beau monde. »