PORTRAIT D'UNE COUREUSE - ANNE TRUDEL

Son frère Claude, un grand costaud, est membre du Club depuis plusieurs années. Travaillant dans la même entreprise familiale, ils se côtoient quotidiennement. Deviner de quoi Anne entend Claude lui parler “Ad Nauseam” ? De course, de course et encore de course : « Il ne parlait que de ça! »

Un jour, en février 2003, Anne décide de commencer à marcher puis, pourquoi pas, d’essayer de courir. « Tu seras essoufflée avant d’arriver au coin de la rue, mais continue! », lui conseille Claude. « C’est exactement ça qui est arrivé; puis — essaie de comprendre, j’ai continué; et tranquillement, j’ai rallongé un peu … »

Anne n’est pas très sportive. Un peu de tennis seulement : « Mais au tennis, tu es toujours arrêtée ». Elle suit l’exemple de son frère (qui a quitté LF quelques années plus tard) et en 2004, elle joint les rangs du Club. Mais elle est lente et se retrouve invariablement en queue de peloton : « En arrière de la queue même, la dernière! » Mais cela ne la dérange pas. Ce qui compte, pour elle, ce n’est pas d’arriver la première en haut de la montagne mais seulement d’y parvenir.

À partir de 2004, elle participe à deux ou trois évènements de course à chaque année (10 km et 21,1 km), au début comme marcheuse puis comme coureuse. Elle collectionne les médailles. Sans compter les 10 km, elle en a accumulées 20 au total, dont 17 demi-marathons : « J’ai un tableau avec toutes les courses auxquelles j’ai participé; moi qui ne suis pas très sportive de nature, c’est un exploit ! » Si la médaille signifie beaucoup pour elle, les temps ne sont pas importants. Elle le dit à plusieurs reprises, elle est une coureuse atypique.

Après avoir franchi la ligne d’arrivée à son premier demi-marathon en 2005, la première chose qu’Anne dit à sa mère et à sa sœur qui l’attendaient : « Un marathon, c’est impossible! » Les années passent. Elle délaisse quelque peu les 10 km : « Un 10 km, on doit aller plus vite; alors comme je cours toujours à la même vitesse, ça m’intéresse moins. » Anne enchaîne les demi-marathons en se répétant, dans sa tête, qu’un marathon, c’est impossible. « Mais un jour, tu sais pas pourquoi, tu as envie de faire un marathon. Automatiquement, un jour, ça vient dans ta tête. »

En 2009, elle se sent prête. Elle voit Jacques et l’aborde franchement : «Je suis une coureuse très lente, je ne suis pas capable de suivre tout ce que tu dis, les intervalles et tout, et je me suis inscrite au marathon des Deux-Rives; je rallonge la distance depuis un bout de temps, c’est quoi que je devrais faire? » Jacques lui donne alors un conseil qu’elle apprécie encore aujourd’hui et qui la motive : «Toi, je vais te le dire, la sortie de 30 km, tu feras pas ça; toi tu cours 3h, pis t’arrête, c’est assez, ça donne rien de faire plus. »

Le 30 août 2009, bénéficiant d’un départ donné une heure avant le départ de masse, elle vit pour la première fois la joie de terminer, en-deçà des 6 heures allouées pour compléter la course, une épreuve qu’elle avait pourtant évaluée comme impossible à réaliser, et avec du monde à l’arrivée pour l’applaudir en prime! Elle récidive en 2010, même si sa forme est moins bonne.

Plusieurs années s’écoulent avant qu’Anne puisse participer à un troisième marathon. Elle n’a pas le temps de s’entraîner. En 2018, à Québec, elle tente sa chance. Cette fois, elle n’a pas la possibilité de partir une heure avant les autres coureurs. Elle sait qu’elle sera disqualifiée et vivra des moments difficiles. « Mon dernier temps de passage fut enregistré au kilomètre 23. J’étais seule au monde durant la deuxième moitié. Je me disais : c’est pas vrai que je vais arrêter et attendre à la lumière pour pouvoir traverser. Mais je savais que ça arriverait. À une intersection sur la Grande-Allée, deux policiers ont vu mon dossard et sont partis arrêter le trafic pour me permettre de passer. J’en braillais! À l’arrivée, j’ai dû enjamber l’arche pour franchir la ligne d’arrivée. Mais mon amie Andrée-Line Bégin, qui avait terminée avant moi, était là; elle avait réussi à me quêter une médaille! »

Vraiment, Anne est un bel exemple du courage et de la détermination qui animent souvent les coureurs les plus lents. En 2019, Anne a comme projet de participer au marathon de New-York. Elle est inscrite au tirage au sort.

C’est avec plaisir que depuis plusieurs années, Anne se déplace chaque dimanche, durant l’été, aux lieux de rassemblement du Club pour se rendre aux points d’eau tellement appréciés des membres de LF. « Je parle avec mes amis avant leur départ et après leur retour; parfois, j’arrive plus tôt pour pouvoir courir seule avant. L’effet de groupe, ça n’existe pas pour moi car je suis toujours seule à l’arrière, mais ça ne me dérange pas. »

Merci Anne pour tout, tu es inspirante!