PORTRAIT D'UNE COUREUSE - ÉLIZABETH (« ZAB ») GAUTHIER

Zab n’a jamais été sportive. « J’étais grassette, pas habile du tout dans les sports. » Pourtant, elle a essayé (balle-molle, tennis), à l’insistance de son père. Ce dernier abdique mais l’oblige à faire de la natation, pour prévenir la noyade : « J’ai fait de la natation obligée! » Les cours d’éducation physique obligatoires n’arrangent rien : « Je passais mais ben juste, j’étais poche! »

Un jour, en remplacement de la jeune femme athlétique qui enseigne l’éducation physique à l’école secondaire Les Ursulines, une « madame » (sic) dans la cinquantaine leur fait essayer pleines de choses. Un jour, elle les envoie courir sur la piste ovale des Plaines d’Abraham. C’est ce premier contact avec ce que Zab appelle maintenant « sa drogue » qui l’amène à courir à tous les jours de la semaine dans les mois qui suivent. En poussée de croissance, Zab s’allonge et passe d’une grassette non sportive à une sportive mince. « Ce fut comme un changement d’identité complet. »

En 1980, Zab déménage à Montréal pour poursuivre son Cégep. Elle s’inscrit à un 5 km. Afin qu’elle soit pleine d’énergie pour sa course, son père lui sert un déjeuner « soutenant ». Ce fut la catastrophe : Zab a des crampes, elle termine dernière. « J’ai eu honte pour mourir. Et je me suis dit que finalement, la course à pied n’était pas pour moi. » Durant les années qui suivent, Zab pratique la natation régulièrement, et la course à pied sporadiquement seulement.

Elle obtient un emploi à St-Hyacinthe et y élève ses deux fils. En 2012, son poste est coupé. Si on ajoute à cela les problèmes de santé de son conjoint et de son plus vieux (séquelles de blessures subies au hockey, dans les deux cas), elle trouve que la vie est soudainement « motonneuse! » (sic)  Elle reprend la course à pied plus régulièrement, ça l’aide à vivre ces moments difficiles.

En 2014, elle trouve un travail à Québec et y déménage le « siège social ». Elle poursuit la course à pied mais elle trouve qu’elle stagne : « En fait, ça se détériorait. J’avais de plus en plus de misère à courir ma distance de 5 km. » De plus, elle est tannée de courir seule, aimerait rencontrer du monde : « Je ne connaissais pas un maudit chat à Québec! »

À son travail, elle se souvient d’un courriel félicitant un de ses collègues, Roger Amyot, pour son marathon. Elle décide d’aller le voir pour lui demander conseil : « Fais-tu des intervalles? » lui demande Roger. « Euh, c’est quoi ça, des intervalles? » répond Zab. Roger, qui est membre de LF, l’invite à venir essayer de courir avec le Club : «Tu vas trouver des gens qui courent à ta vitesse, je te jure. »

C’est ainsi qu’en novembre 2015, Zab joint les rangs du Club. Dès son arrivée, Pierrette Arseneault la prend en main : « Ben voyons, té capable de faire un demi-marathon en bas de 2h30. Je vais t’entraîner moi! » En 2016, elle court son premier demi-marathon à Montréal en 2h27. Elle enchaînera avec deux autres demis à Ottawa (2017) puis à Québec (2018).

En finissant sa course à Québec, elle vit beaucoup d’émotions. « À 300 mètres de l’arrivée, il y a une petite montée. J’ai vu le coach qui m’a souri et ça m’a émue, les larmes me sont montées aux yeux et je me suis dit : té pus capable, té à boutte, marche. Je braillais. Là, il y avait un gars du Club que je ne connaissais pas (Daniel Leclerc), il m’a dit : « Viens, on monte la côte ensemble. Rendue en haut, il m’a dit : regarde, la ligne d’arrivée est là, mets-toi un sourire dans la face, pis descends. J’ai fini en courant. Après avoir trouvé le nom de ce gars-là, je l’ai remercié 20 fois je pense, je l’ai trouvé tellement généreux. »

Zab ne tarit pas d’éloges envers le Club et les gens qui l’ont accueilli, notamment les participants au Fun Run : « Les gens sont fantastiques, pleins d’ouverture. Je suis entourée d’athlètes! LF c’est devenu ma gang. La première fois que quelqu’un s’est souvenu de mon nom, la première fois où le coach m’a dit « C’est beau Élisabeth », j’étais tellement contente! »

Zab prétend qu’elle est la plus lente de ceux qui courent en continu : « Pierrette dirait que ce n’est pas vrai, elle me dispute la dernière place! Ça me dérange pas pantoute d’être la dernière. C’est un privilège de faire partie du même club que les plus forts. »

En 2018, elle lance le concours du « Saint-Bernard de l’année », un prix attribué au participant du Fun Run qui revient constamment chercher les autres coureurs à l’arrière du peloton. « On a voté et François McGee a été élu. Je lui ai offert une carte de la SAQ. L’an prochain, je vais améliorer mon affaire! »

En 2019, Zab veut courir deux demis, le premier à Rimouski (avec Pierrette, qui d’autre!) et le second à Québec. Est-ce qu’elle pense courir un marathon un jour? « Oui, dans quelques années, je vais en faire un; maintenant ça ne m’apparait plus inatteignable. »